POUR VIVRE ICI, 2017
Photographies / Installation / Vidéo
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Six photographies, tirages fine art sur papier coton et gravures sur verre réalisées à l'atelier. Pièces uniques. Deux au format 80 x 120 cm et quatre au format 60 x 90 cm.
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Un panoramique papier-peint de 5 x 1,50 m et cartes postales datant d’avant 1914.
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Un polyptyque de 9 photographies 30 x 45 cm et une carte militaire contemporaine de la forêt du HWK.
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Une installation de 11 photographies d’archives de soldats allemands et français imprimées sur plaques de Plexiglas de différentes opacités. Pièce unique.
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Une vidéo de 17,13 minutes
La mémoire des paysages constitue depuis une dizaine d’années un fil rouge de mon travail. C’est dans ce cadre qu’en 2017, l’Abri mémoire d'Uffoltz (Haut-Rhin) - centre dédié à la mémoire du Hartmannswillerkopf (HWK) et plus largement à la citoyenneté et à la paix - m’a invitée à découvrir le site. Le HWK est un éperon rocheux vosgien et un haut lieu de la Première Guerre mondiale. C’est aussi aujourd'hui un lieu d’une singulière beauté, une forêt remarquable aux essences variées. Chênes, hêtres, bouleaux, saules, trembles, noisetiers, frênes, érables, alisiers, tilleuls, sorbiers, merisiers se partagent une terre meurtrie. Véritable laboratoire écologique à ciel ouvert représentatif des paysages de la Grande Guerre, elle est un exemple exceptionnel d’une re-colonisation spontanée d’après guerre.
"Pour vivre ici" propose une interprétation du lieu à partir de sa forêt et envisage le paysage comme un lieu d’expérience et de vie. A l’instar de la vision du poète surréaliste Paul Eluard, la forêt devient ici le théâtre des émotions et du merveilleux. Comment traduire l’indicible ? Peut-on s’autoriser à s’abandonner à la beauté de cette forêt ? Mémoire des faits historiques, nature et paysage engagent à une réflexion sur ce qui est donné à voir et sur la manière dont il va être donné à voir. En s’appuyant sur des travaux de scientifiques de l’ONF, "Pour vivre ici" laisse une grande part à l’imaginaire, à l’intuition et aux paroles de ceux qui sont au paysage, de ceux qui vivent ici.
Fidèle à ma recherche constante de matérialité, ce travail prend appui sur des savoir-faire ancestraux régionaux, tels que l’art de la gravure sur verre (Saint-Louis, Lalique, Baccarat) et celui de la fabrication du papier peint panoramique initiée au XIXème siècle par la manufacture de Rixheim. Des photographies d’arbres réalisées aux quatre saisons, des gravures sur verre, des archives réactivées puisées dans le fonds de l’Abri-mémoire d’Uffoltz, mises en scène dans le paysage et une vidéo constituent l’ensemble de cette recherche.
" Dans le vocabulaire sylvestre, les « rémanents » désigne un amas de branches mortes restées au sol après une exploitation. Comment ne pas être saisi par le rapprochement visuel que propose Sophie Zénon entre les représentations d’arbres du massif vosgien du Hartmannswillerkopf (HWK) et celles des soldats morts sur cette ligne de front entre la France et l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale ? Les photographies qui anthropomorphisent cette forêt composent une image « rémanente » du conflit, une sensation optique qui perdure après la disparition de la vision initiale de l’horreur de la Grande Guerre. C’est à l’union de ces deux rémanences que nous convie Sophie Zénon afin de restituer la mémoire du paysage meurtri du HWK.
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De séries en séries, – de l’Homme-Paysage (Alexandre) à Dans le miroir des rizières (Maria) - la démarche de Sophie Zénon est tout entière mue par cette idée filée selon laquelle construire le paysage par la photographie c’est étudier simultanément la nature et la photographie, explorer concrètement et expérimentalement l’une et l’autre, plutôt que de chercher à reproduire photographiquement des paysages préexistants. Sophie Zénon, par ses recherches successives qui ouvrent diverses brèches au sein des catégories du genre paysager ou de l’archive historique, fabrique un paysage mémoriel et le scénographie. De ces études naissent des variations puissantes et suggestives où la mobilité des sensations et les stigmates de la guerre convoquent une présence, une trace."
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Héloïse Conesa
Conservatrice du patrimoine, chargée de la collection de photographie contemporaine au Département des Estampes et de la Photographie de la BnF.
Extraits de la préface du livre "Pour vivre ici" (éditions Loco, 2019)
Lire le texte dans son intégralité ici
Expositions :
- Abri mémoire, Uffoltz (Alsace), septembre-décembre 2017
- Centre photographique L'imagerie, Lannion, avril-juin 2019
- Festival Les Photaumnales, Beauvais, septembre-décembre 2019
- Musée de la Résistance en Argoat, Saint-Connan (Côtes d'Armor), septembre 2019 - février 2020